Chataigner Corse

La silhouette, robuste, ombreuse, protectrice et bienveillante du châtaignier est tellement liée à celle de la Corse que l'on a pu parler d'une véritable "civilisation de la châtaigne". Il est vrai que pendant longtemps, la châtaigne, quasi monoculture en cette région de Corse, réduite en farine, formait la base principale de l'alimentation des habitants...

           

    Histoire et culture

    En Corse, la châtaigne est cultivée au sein d'exploitations familiales en complément d'activité et concerne environ 200 agriculteurs. La principale application commerciale de la châtaigne est la vente de farine. Les fruits sont séchés, parfois passés au four, triés manuellement et moulus exclusivement à la meule de granite, silex ou schiste pour garantir sa finesse. Le volume de la farine produite est de l'ordre de 300 t. Sa commercialisation est encore centrée sur la Corse et s'effectue à 80 % auprès des ménages qui en perpétuent les traditions culinaires.

  

    Grâce aux Grecs et aux Romains, le Castinea sativa, cultivé très tôt au Proche-Orient, est arrivé en Corse à partir de la Transcaucasie, l'Arménie et la Perse. Son extension véritable date néanmoins du XIIe siècle avec la production de piquets et tonneaux pour la vigne. Toutefois, les études palynologiques entreprises dans les tourbières du lac de Crenu laissent supposer que l'arbre était épisodiquement présent en Corse depuis le miocène (dernière glaciation du quaternaire "wümienne").

    Aux XVe, XVIe et XVIIe siècle, pour palier la croissance démographique consécutive aux grandes guerres et épidémies du Moyen Âge, les républiques de Pise et Gênes, favorisèrent la plantation de cet arbre dans l'île colonisée (ordonnances génoises de 1584, 1619, 1649, 1699) en l'accompagnant de quatre autres espèces (figuiers, mûriers, oliviers et vigne). Les avantages, plus ou moins forcés, offerts aux planteurs allaient jusqu'à des remises de peines pour les Corses condamnées, même pour des motifs très graves. Les propriétaires devaient planter chaque année 4 châtaigniers, les plus récalcitrants se voyaient condamnés à payer 3 livres d'amendes pour chaque arbre non planté, les podestats sont menacés de châtiments corporels en cas de non exécution des ordonnances émises par l'Office de Saint-Georges.

    En tous cas, la diffusion et l'extension du châtaignier, plutôt bien accueillies par une population nombreuse, se sont avérées une véritable réussite puisqu'à la fin du XVIIe siècle, l'arbre a fini par donner son nom à une région : la Castagniccia, représentant, pour cette dernière, une capacité nutritive trois fois supérieure aux céréales déjà cultivées (à poids égal 100 grammes de châtaignes fraîches apportent 200 calories contre 230 pour le pain complet ). À la fin du XVIIIe siècle, Le plan terrier destiné à cartographié l'état foncier de la Corse établit à 35442 hectares la surface de châtaigniers dont 31500 pour le seul département du Golu ; À la fin du XIXe siècle, 33000 hectares et 3000 tonnes de châtaignes sortent du sol. Mort ou vif, de la racine jusqu' à son fruit et jusqu'à l'extrémité de ses branches, le châtaignier était d'une telle valeur que, lors du rattachement de la Corse à la France, en 1769, le Conseil du Roi interdit par un décret - heureusement vite abandonné - toute nouvelle plantation de cet arbre "immoral" qui "constitue l'aliment de la paresse car son fruit supplée a tout : on le ramasse, on le sèche, on le broie et on en fait son pain, leurs chevaux même en sont nourris et la terre est toute négligée"...

    C'est autant l'exode rural que la guerre de 1914-1918 qui mit un coup d'arrêt à l'exploitation intensive des châtaigneraies, de nombreux hommes partirent et moururent au front, arbres et villages lentement abandonnés offrirent à la Castagniccia le visage aujourd'hui connu d'une contrée soi-disant désolée, désespérément à l'écart, paraît-il, des circuits financiers, forcément rétive à toutes formes de progrès économiques. Un visage sans doute un peut trop facilement noirci par les zélateurs du progrès économique indiscipliné sans comprendre, sans doute, que la Castagniccia ne saurait se contenter de quelques palmiers néo-californiens, typique de cette écologie de banlieusard jacobin mal diplômé masquant un développement prétentieux et artificiel...


   

    On estime à 250 le nombre de producteurs de châtaignes, dont près de 200 en Haute-Corse. Actuellement la récolte annuelle s'élève à 1200 tonnes dont 85 % sont transformés en farine. La Somivac a recensé environ 25 000 hectares de terres à châtaignier en 1977, mais seuls un peu plus de 3607 était en exploitation. Les 20 000 hectares restant sont à l'abandon ou livrés aux animaux coureurs. L'ensemble de la production provient des régions de Castagniccia, Nebbiu, Capi Corsu, Boziu, Niolo, des Duo-Sévi, du Duo Sorruo, Cruzzini, Celavu, Bastelica, du Alto-Taravo, Prunelli et Alta Rocca. Les producteurs sont regroupés autour de marques collectives : U FORMU pour la Corse du Sud et CORSICASTAGNA pour la Haute-Corse...
    La Chambre d'Agriculture a fait divers essais pour mieux diversifier la production, pour plaire aux amateurs de marrons glacés (I Dolci Corsi) et au consommateur régulier ou occasionnel. Pour en savoir plus vous pouvez vous rendre sur le site du : Groupement Régional des Producteurs et Transformateurs de Châtaignes et de Marrons Corses.

    Le saccage des châtaigniers en Corse.
    source: planete-olmeto.com

    Le saccage des châtaigniers a débuté avec l'installation en Corse des usines de teinture. Avec la complicité d'imprimeurs corses, on assistait à une véritable "taglia, taglia". Chaque année, de 30 à 40 tonnes de bois étaient portées aux usines. A l'époque de la présence sur l'île de ces usines, la Corse exportait 2866 tonnes de châtaignes En 1936, ce chiffre a considérablement baissé, ne représentant plus que 1850 tonnes de châtaignes et 41 tonnes de farine. Pendant ce temps, les châtaigniers disparaissaient et les arbres coupés n'étaient pas remplacés. Ce qui explique la loi du 6 décembre 1928 qui obligeaient les propriétaires de châtaigniers qui désiraient en couper plus de 20 pieds, à en faire une déclaration en bonne et due forme auprès de la préfecture. Cette loi exigeait également que tout arbre taillé devait être remplacé. Quand la dernière usine de teinture ferma ses portes en 1936, pas moins de 2000 hectares sur 21000 de châtaigniers avaient disparu.

    On retrouve la châtaigne dans tous les écrits anciens depuis la préhistoire, aussi bien en Chine, en Asie Mineure et sur le pourtour méditerranéen. C'était la nourriture du pauvre avant l'introduction de la pomme de terre et l'arbre "à tout faire".

    La châtaigne à travers le monde...
    source: www.saveursdumonde.net

    France
    Dans la région des Cévennes, les Cévenois avait baptisé le châtaignier l'arbre à pain - qui n'a aucun rapport avec l'arbre antillais du même nom. Sa culture remonte au XIe siècle. Son bois imputrescible servait à la construction artisanale, au bois de charpente et à la confection des écuelles. Les rames feuillues étaient utilisées comme fourrage et les feuilles sèches pour la litière des porcs. Au niveau de l'alimentation, on la retrouvait partout, grillée (afachades), en soupe (le bajanat), en confiture du petit déjeuner ou réduite en farine pour la confection des pains et des gâteaux.

    Au Moyen-Âge, les châtaignes étaient cuites dans le lait avec un soupçon de vanille et beaucoup de sucre.

    En Corse
    Au Moyen-Âge, les Génois obligent les habitants de Corse à entreprendre la culture du châtaignier sur une grande échelle pour pallier aux disettes.
    La châtaigne sert aussi de monnaie d'échange. Ainsi, dans le canton d'Alesani, la famille de la mariée doit honorer ses hôtes avec 22 plats à base de farine de châtaigne préparés à la maison afin de faire valoir sa richesse.
    À La Toussaint, les Corses ont l'habitude de déposer du lait et des châtaignes sur le rebord de la fenêtre parce qu'on dit ici que les morts reviennent chaque année à l'endroit où ils ont vécu et qu'un si long trajet donne faim.
    Chacun fait bénir des châtaignes le Jeudi Saint car on croît qu'elle protège contre la maladie et qu'il suffit de poser une châtaigne bénie sur une partie du corps affectée pour guérir rapidement.

    Amérique du Nord
    La cueillette des châtaignes à l'automne est un événement important dans la vie des Amérindiens et sert d'approvisionnement pour l'hiver. On les réduisait généralement en poudre en les broyant entre deux pierres ou au moyen de mortiers de bois. La farine était utilisée telle quelle, mélangée avec d'autres aliments ou dissoute dans l'eau chaude pour en faire un breuvage semblable à du café.


    S'il y a une spécialité en Corse, c'est bien la châtaigne!
  
    L'île reste certainement une des dernières régions du monde où l'on consomme la châtaigne comme une céréale. Protégeant de tout temps la population des famines, les Corses appellent respectueusement le châtaignier "l'arbre à pain". Vers la fin du XVIIe siècle on estimait qu'un pied de châtaignier nourrissait convenablement une famille pendant un mois… « Tant que nous aurons des châtaignes, nous aurons du pain » déclarait Pascal Paoli
      

 



17/03/2019
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